Les précautions à prendre pour protéger le patrimoine privé

En principe, dans une Société à Responsabilité Limitée, il y a un cloisonnement strict du patrimoine professionnel et personnel des associés, ainsi, les créanciers de la société ne peuvent pas poursuivre les associés sur leurs biens privés.

Dans un premier temps, ce raisonnement est tout à fait logique. En effet, seul le patrimoine de la société étant touché par la procédure collective, la vente d’un bien (notamment immobilier) possédé par le dirigeant peut théoriquement s’effectuer librement, donc sans obtenir l’autorisation du juge-commissaire ni l’intervention d’un administrateur ou liquidateur judiciaire.

Cependant, s’il existe des risques non négligeables de remise en cause de la vente, ils seront oblitérés par les diligences du praticien permettant de consolider la vente (« la menace vaut mieux que l’exécution »).

 

Limitation des cas d’extension de la procédure collective au dirigeant de la société :

Cas d’extension :

Si le risque de remise en cause d’une vente existe, en pratique, il est relativement rare à constater. En effet, la loi du 26 juillet 2005 a supprimé l’« extension sanction » au dirigeant, prévue en cas de faute de ce dernier ou de non-paiement par lui du passif mis à sa charge à l’issue d’une action en comblement de passif. Cependant, si tout risque d’extension de la procédure au dirigeant n’est pas définitivement écarté, subsistent en effet deux cas d’extension :

Si la personne morale est fictive : lorsque les éléments constitutifs du contrat de société ne sont pas réunis. Parmi les indices, on soulève notamment l’absence de vie sociale ou d’affectio societatis. Concernant les relations entre une SCI et une société d’exploitation, la Cour de Cassation a décidé que lorsque la société immobilière tire la totalité de ses revenus de la société d’exploitation, ce fait n’était pas suffisant pour caractériser sa fictivité.

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La confusion des patrimoines suppose une imbrication des patrimoines de la société et du gérant, avec des flux financiers anormaux, ce qui implique une confusion des éléments qui composent les deux patrimoines de telle sorte qu’il n’est plus possible de distinguer le patrimoine de la société de celui de son dirigeant. Ainsi, il a été jugé qu’il y avait confusion du patrimoine pour deux SARL exerçant la même activité dans un siège social commun, chacune réglant régulièrement le passif de l’autre, employant les mêmes salariés. Ceux-ci utilisaient indifféremment le matériel appartenant à l’une ou l’autre des sociétés. La chambre commerciale de la Cour de Cassation a également jugé que l’abandon de loyers et la prise en charge de travaux d’entretien courant par la SCI bailleresse suffisait à caractériser une confusion de patrimoines avec la société locataire placée en liquidation judiciaire.

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Auteurs de la demande et délai d’action :

Comme le dispose l’article L 621-2 du Code de Commerce, l’action n’est enfermée dans aucun délai, et peut donc être exercée tant que la procédure est en cours. En effet, la prescription de trois ans ne concerne que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif en raison de fautes de gestion. Celle-ci a donc été écartée en cas d’extension, qui n’est pas soumise à une prescription spéciale.

 

Conséquences de l’extension :

Les dates de cessation des paiements dans ces cas d’extension avec unicité des procédures, sont identiques car les patrimoines des personnes concernées doivent être réunis dans une procédure collective unique. Une telle extension de procédure n’aurait donc pas d’effet rétroactif mais l’acte de vente serait passé en période suspecte et annulable dans les conditions prévues aux articles L 632-1-2° du code de commerce (nullité de plein droit en cas de contrat commutatif déséquilibré) ou L 632-2 (nullité facultative en cas de connaissance de l’état de cessation des paiements par l’acquéreur, cette hypothèse étant limitée dans la mesure où il peut difficilement en avoir connaissance).

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Autres risques :

Sanctions pécuniaires :

L’obligation aux dettes sociales a été supprimée, cependant, le dirigeant peut toujours voir sa responsabilité engagée pour insuffisance d’actif du fait de fautes de gestion, comme le dispose l’article L. 651-2 du Code de commerce et ce dans un délai de trois ans à compter du jugement d’ouverture de la personne morale. Néanmoins, cette action en responsabilité est limitée à la procédure de liquidation judiciaire.

Cette sanction ne remet pas en cause la validité de l’acte de vente, elle n’a qu’une incidence financière. Le notaire, en vertu de son devoir de conseil, doit toutefois mettre au courant les vendeurs des risques pécuniaires qu’ils pourraient avoir à supporter et sur l’obligation qu’ils auront de répondre à ces dettes, comme s’ils s’étaient portés caution des dettes sociales.

 

Action Paulienne :

Le gérant peut soustraire des actifs du droit de gage de ses créanciers dans le but d’organiser son insolvabilité. Cette action est lourdement sanctionnée : trois ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende et permet au mandataire de justice ou à un créancier d’exercer l’action paulienne. En effet, l’action en nullité de la période suspecte n’est pas exclusive de l’exercice par le mandataire de justice de l’action paulienne.

L’action paulienne n’empêche pas pour autant les poursuites individuelles et a pour effet de rendre la vente inopposable auxdits créanciers. L’action paulienne ne porte pas atteinte à l’acte litigieux, qui reste valable entre le débiteur auteur et le tiers complice de la fraude, mais permet cependant au créancier de poursuivre la vente forcée de ce bien libre de tout droit. En conséquence, même si les risques de nullité sont minorés sous la législation nouvelle, il est impératif de ne passer l’acte de vente qu’après avoir vérifié sur l’extrait K bis (daté du jour de la vente) de la société en procédure collective qu’aucune extension n’a été décidée.

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Il est cependant déconseillé de prendre attache auprès des organes de la procédure pour savoir s’ils envisagent cette extension, en effet, un tel contact pourrait inciter le mandataire judiciaire ou le liquidateur à envisager par la suite une procédure en ce sens et le dirigeant social pourrait le reprocher au notaire.

 

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