La position du bailleur face à l’ouverture d’une procédure collective contre le preneur.

La faillite du locataire peut plonger le loueur dans une situation incertaine, voire délicate, notamment en ce qui concerne l’étendue de ses droits et obligations. Nous aborderons les principales questions d’un point de vue pratique, notamment pour déterminer comment se poursuivra l’exécution du contrat de bail, la façon de recouvrer les loyers impayés et s’il peut résilier le bail ou tout du moins s’opposer à sa cession.

 

Petit rappel du régime juridique des baux en matière de procédure collective.

En vertu des dispositions de l’article L622-13 du Code de Commerce, le sort du contrat de bail en cours est entre les mains de l’administrateur ou du liquidateur judiciaire.

La résiliation du bail par les organes de la procédure intervient sans formalisme particulier « au jour où le bailleur est informé de la décision […] de ne pas continuer le bail » .
Si l’administrateur décide de ne pas poursuivre le bail, les sommes qui pourraient être dues au bailleur du fait de cette résiliation (dommages-intérêts, clause pénale) doivent être déclarées au passif dans le délai d’un mois à compter de la décision de résiliation par l’administrateur judiciaire.

 

Recouvrement des loyers impayés

Loyers antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective.

La règle de l’arrêt des poursuites individuelles posée par l’article L. 622-21 du code de commerce concerne tous les créanciers, ce qui inclut forcément le bailleur. Comme tout créancier dont la dette est née avant le jugement d’ouverture, le bailleur est donc soumis à l’obligation de déclarer sa créance. Outre les loyers et charges, ces sommes comprennent les accessoires, les impôts relatifs aux locaux lorsque le contrat de bail prévoit qu’ils sont à la charge du preneur (taxe foncière ou taxe d’enlèvement des ordures ménagères notamment). Autrement dit, tout ce qui est dû par le preneur au titre des locaux loués doit être déclaré auprès du mandataire judiciaire dans les deux mois à compter de la publication au BODACC du jugement d’ouverture.

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L’article L622-16 du Code de commerce prévoit qu’il aura alors le privilège réduit du bailleur, ainsi l’assiette couvrira les deux dernières années de loyer qui précèdent l’ouverture de la procédure.

 

Compensation des loyers impayés avec le dépôt de garantie

Le dépôt de garantie et les loyers sont des créances connexes, par conséquent, le bailleur aura donc la possibilité d’imputer le montant des loyers impayés sur le dépôt de garantie du preneur. Cette compensation devra s’opérer prioritairement sur les loyers postérieurs. En présence d’arriérés de loyers, le bailleur doit impérativement déclarer sa créance pour pouvoir faire éventuellement jouer la compensation avec le dépôt de garantie pour créances connexes.

Par conséquent, si le bailleur n’a pas déclaré sa créance au passif, le dépôt de garantie devra être intégralement remis au liquidateur.

 

Loyers postérieurs au jugement d’ouverture.

Le bailleur devra informer le mandataire liquidateur des loyers postérieurs au jugement d’ouverture de la procédure pour bénéficier de celle-ci. Cette information doit être « portée à la connaissance » de l’administrateur et à défaut, du mandataire judiciaire, dans le délai d’un an à compter de la fin de la période d’observation ou, au plus tard, dans les six mois de la publication de la liquidation judiciaire ou, le cas échéant, dans le délai d’un an à compter de la publication du jugement arrêtant le plan de cession. Le bailleur ne pourra demander la résiliation judiciaire du bail commercial, c’est-à-dire de sa propre initiative.

 

Sort de la clause de solidarité

En cas de cession du droit au bail dans le cadre de la procédure collective, le bailleur perdra automatiquement le bénéfice de la clause de solidarité du cédant envers le cessionnaire. L’article L. 622-15 du code de commerce dispose en effet qu’« en cas de cession du bail, toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite ».

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Le bailleur peut-il s’opposer à la cession du bail commercial ?

Aux termes de l’article L. 641-12 du code de commerce, sauf plan de cession, le liquidateur peut céder le bail « dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent ». Il en résulte que le mandataire doit respecter les clauses restrictives du droit de céder. Si le contrat contient une clause prévoyant l’agrément du cessionnaire par le bailleur, l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession ne dispense en aucun cas le liquidateur d’obtenir cet agrément.

Le bailleur qui entend contester l’ordonnance du juge-commissaire devrait pouvoir interjeter appel ou se pourvoir en cassation. En effet, désormais, la voie d’appel ou de recours contre les jugements statuant sur les recours formés contre les ordonnances du juge-commissaire n’est plus réservée au ministère public. Si toutefois le bailleur n’avait pas qualité de partie à l’instance, il lui resterait la voie de la tierce-opposition.

Un arrêt récent de la Cour de cassation a estimé que le fait de céder un droit au bail alors que le bail était résilié, sans avoir demandé l’accord du bailleur constituait une « éventuelle erreur de droit ou mauvaise appréciation de faits […] mais n’[est] pas de nature à constituer un excès de pouvoir ». Or, dans une précédente décision de la même chambre, il a été jugé que le juge commissaire qui a ordonné la vente d’un droit au bail alors que, d’une part, le bail avait été résilié et que, d’autre part, il n’avait pas demandé l’agrément du bailleur exigé par les clauses du bail, commettait un excès de pouvoir, et que son ordonnance devait être annulée. Cet arrêt de 2011 vient donc restreindre l’exercice des voies de recours du bailleur.

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Rappelons qu’en cas de refus d’agrément du bailleur à la cession, il faudrait obtenir une autorisation judiciaire de passer outre, celui-ci pourrait également être condamné à des dommages et intérêts pour refus abusif.

 

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